Motion du GEMASS concernant le projet de LPPR

Motion du GEMASS concernant le projet de LPPR

Le jeudi 30 janvier 2020, les chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants du Groupe d’Étude des Méthodes de l’Analyse Sociologique de la Sorbonne (GEMASS), unité mixte de recherche CNRS Sorbonne Université, se réunissaient pour discuter des orientations de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche (LPPR).

Les membres du GEMASS rejoignent l’appel des sociétés savantes rendu public le 15 janvier 2020 pour l’élaboration d’une réforme respectueuse des enjeux de la recherche publique et s’appuyant sur les recommandations de la communauté scientifique. Ils affirment leur attachement à une politique ambitieuse pour la recherche et l’emploi scientifique, à l’échelle nationale, mais également internationale. Une politique qui passe notamment par la capacité des établissements à définir de façon collégiale leurs priorités scientifiques sur le temps long tout en garantissant la part d’autonomie dont ont besoin les sciences dans toute leur diversité.

Les membres du GEMASS partagent les éléments de diagnostic, souvent alarmants, présentés dans les rapports préparatoires à la LPPR. Le système de recherche et d’enseignement supérieur en France souffre notamment d’un sous financement chronique public et privé, d’un manque de reconnaissance du doctorat, d’une entrée de carrière incertaine et peu attrayante, d’un temps de travail administratif toujours croissant, d’un recours systématique aux instruments de financements à court terme, d’une sur-sélectivité stérilisante des appels à projets financés par l’Agence Nationale de la Recherche.

Mais, à l’heure où l’essentiel de la future loi recherche reste à connaître, les membres du GEMASS partagent l’inquiétude de la communauté scientifique concernant le caractère incertain voire contre-productif de certaines des orientations esquissées dans les rapports préparatoires. Le besoin de réflexion stratégique sur le temps long est évident, mais celle-ci ne peut être conduite sur la base d’une confusion entre recherche et innovation. Il est urgent d’accorder un statut durable à un nombre croissant de jeunes chercheurs financés sur contrats, ce statut ne peut toutefois prendre la forme d’emplois dérogatoires tant au droit de la fonction publique qu’au droit des contrats de travail de droit privé. La prise en compte des succès aux appels à projets pour moduler les soutiens de base aux unités de recherche ne pourrait aboutir qu’à une concentration excessive des moyens et une moindre capacité des unités à organiser sur le temps long leurs stratégies de recherche. Le recours à des « recrutements environnés » peut être un vecteur d’attractivité internationale, mais la compensation du manque de postes pérennes par ce type de contrat n’est pas à même de garantir une meilleure insertion des jeunes chercheurs.

Certaines des orientations proposées publiquement tendent à renforcer les effets structurels indésirables des politiques dites d’« excellence » fondées sur la seule concentration de moyens, notamment des systèmes de recherche fortement inégalitaires — à double ou triple vitesse — dans lesquels se multiplient des comportements opportunistes, par ailleurs régulièrement dénoncés au nom de l’intégrité scientifique.

En attendant de pouvoir examiner le contenu exact de cette loi, et au regard à la fois des rapports préparatoires et des débats publics qui s’en sont suivis, les membres du GEMASS expriment leur vive inquiétude à l’égard de la direction que semble prendre ce projet de loi, renforçant le règne du temporaire, de l’évaluation et de la concentration des moyens.

Document PDF :
motion_gemass_lppr.pdf

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